1 mois de plus … On continue de se serrer les coudes et de faire le tour de nos partenaires confinés.
Aujourd’hui on s’arrête sur un label indé qui fait l’actu de nos ondes ! Né à Poitiers en mars 2017 le label Only Lovers Records à pour ambition d’aider au développement des groupes français et internationaux de garage, rock psyché et folk.
“Ici, on aime les disques, bien sûr, mais on préfère aussi qu’ils tombent entre les bonnes mains.”
Jude, le créateur du label, se livre au jeu du questionnaire à distance :
Comment ça a commencé Only Lovers ? Es-tu seul à le gérer ?
Aussi loin que je me souvienne, quand j’ai commencé à m’intéresser à la musique, les labels ont beaucoup compté pour moi. Je ne rêvais pas spécialement de monter un groupe, mais beaucoup plus de créer un label. J’ai donc profité d’une brèche dans mon parcours professionnel pour suivre une formation et me lancer dans la création d’Only Lovers Records. Je suis seul à bord en effet, mais j’ai des partenaires autour de moi pour différents aspects, éditeur, distributeur, attachés de presse, tourneurs. Le quotidien est étrangement fait de gestion d’urgences et de prévisions à long terme, l’important étant de ne pas sacrifier le long terme à l’urgence.
Quelles étaient tes premières signatures ?
Je vais surtout parler de la première, car elle est très importante : c’est la plus compliquée à réussir. J’ai découvert un peu par hasard le groupe portugais psyché-punk Sunflowers, lors d’un voyage à Porto. J’ai donc commencé à le suivre sur les réseaux et quelques mois après l’avoir découvert, il a sorti un premier album. J’étais encore dans la paperasse pour monter le label, je n’avais donc absolument aucune visibilité, pas de site internet, pas de réseaux sociaux, pas de Bandcamp, juste le nom du label et une boîte mail. C’est dans ces conditions que j’ai contacté le groupe, et après de nombreux échanges, j’ai fini par les convaincre de signer avec moi, pour une tournée en France et une sortie d’album physique et numérique. C’est la première fois que j’organisais une tournée et que je sortais un disque. Je dois beaucoup à ce groupe, composé de Carlos à la guitare et Carolina à la batterie, des gens incroyables en plus d’être des musiciens de grand talent.
Nous avions entendu leur dernier album “Endless Voyage” en Février, il semblerait que leur tournée soit gelée actuellement, tu en sais plus sur leur situation ?
Oui je discute avec eux fréquemment. Le tourneur travaille actuellement sur un report de la tournée pour septembre-octobre. Cela freine beaucoup le développement du groupe et du nouvel album car normalement il y a avait deux tournées européennes, mai/juin puis septembre/octobre. Désormais il n’y en aura qu’une.
Aujourd’hui, comment organises-tu ton temps de travail ?
Je suis en télé-travail. C’est un peu étrange de ne pas aller au bureau, mais finalement comme il n’y a pas grand monde au bureau, cela ne fait pas un changement incroyable.
L’activité n’est pas entièrement gelée, mais énormément quand même. J’assure les envois de disques vendus en ligne, je discute avec mon co-éditeur, mon distributeur et les groupes, mais c’est assez perturbant de ne pas savoir dans quel délai on pourra redémarrer.
Qu’est-ce qui a changé au quotidien ?
Ce qui change énormément au quotidien, c’est l’incertitude. Une grande partie du travail d’un label repose sur l’anticipation, les retro-plannings, et faire un rétro-planning sans connaître la date de départ, c’est impossible, donc c’est le flou le plus total.
Le seul Only Lovers te permet-il de sortir un salaire mensuel ?
Non, je suis salarié à temps partiel d’un autre label, Microcultures, je ne me verse donc pas un centime avec Only Lovers Records. Il faut bien se dire que c’est un petit label, que je travaille avec des groupes inconnus ou presque quand je les signe, et que chaque sortie est un risque. Pour que ça marche, il faut que les sorties se remboursent petit à petit pour payer la suivante. Pour l’instant c’est ainsi. Après, avec le temps le label va grossir, les groupes aussi, et j’aimerais à ce moment là avoir une rémunération pour cela oui.
Nombreux sont les labels en France ou à l’étranger qui reportent leurs sorties prévues en mars/avril, est-ce ton cas ?
Et bien oui, de mon côté aussi. J’ai le cas un peu étonnant du groupe Mayflower Madame, trio post-punk norvégien dont l’album devait sortir le 27 mars. On a choisi de garder la sortie numérique et de reporter la sortie physique, pour l’instant au 15 mai, en accord avec les distributeurs, mais je pense que l’on va devoir encore décaler, cette fois carrément à septembre.
Bon, pour l’anecdote, l’album s’appelle « Prepared For a Nightmare », c’était déjà un mauvais présage !
Le confinement est bien parti pour durer, comment anticiper la reprise d’activité ?
Pour moi tant qu’il n’y a pas de communication officielle au sujet du déconfinement, il n’y a pas de reprise d’activité possible sur le physique, avec les distributeurs à l’arrêt et les magasins fermés. Je choisis donc de prendre du temps pour travailler sur l’édition et réfléchir avec les groupes à des sorties numériques d’EP, pour faire de l’actu et une présence.
T’attends-tu à recevoir une aide financière pour compenser d’éventuelles pertes ?
Non j’ai regardé un peu les dispositifs qui sont annoncés mais je n’y aurai pas droit. Je ne coche pas les bonnes cases !
Ta première action en sortant de ce confinement ?
J’irai voir des amis. Pas forcément dans un lieu particulier, juste voir les gens qui comptent pour moi ailleurs qu’en visio. Le confinement permet au moins cela, se rendre compte qu’au final, le style de vie ou les lieux que l’on avait l’habitude de fréquenter ne manquent pas autant que les personnes qui nous sont chères. Finalement, le parallèle avec la musique est assez bon, le streaming c’est bien mais un vinyle entre les mains c’est mieux. C’est un peu ce que l’on vit en ce moment, on voit nos amis et notre famille en streaming, mais on attend qu’une chose, c’est de les prendre physiquement dans nos bras.
Un album de chez Only Lovers à écouter pendant son confinement ?
Et bien je pense que les deux dernières sorties sont assez emblématiques de la période que l’on vit, et de la perspicacité des artistes du label.
J’ai parlé plus haut de l’album de Mayflower Madame. Je citerais donc aussi le nouveau Sunflowers, « Endless Voyage », un album concept sci-fi qui aborde les questions de la fin du monde, de la montée en puissance de la technologie et de l’acceptation du chaos. Je crois qu’on y est.